Traitement

Introduction

En Europe, la grande majorité des brûlures superficielles sont traitées par des médecins non-spécialisés, dans des hôpitaux généraux ou dans le cadre des soins de première ligne. Sur les 2 pour mille patients brûlés traités chaque année, la plupart sont soignés par des médecins qui sont relativement peu familiarisés avec des cas de brûlures. Par conséquent, leur expertise et leur expérience en la matière sont souvent limitées.
Les brûlures superficielles peuvent parfaitement être soignées de manière optimale dans des centres non-spécialisés, à condition que les patients soient orientés vers des centres adéquats si le besoin s’en fait sentir.

Toutefois, il est parfois difficile de repérer les cas où ce renvoi s’impose.
Le traitement clinique des brûlures superficielles par des non-spécialistes peut donner des résultats variables. Nous considérons, par exemple, que la formation de cicatrices hypertrophiques et de contractures suite à des brûlures profondes du second degré est inacceptable dans notre monde occidental. De plus, une étude récente révèle que jusqu'à 20 % des patients brûlés sont limités dans leurs mouvements, parfois jusqu’à cinq ans après leur accident. Un patient traité pour des brûlures superficielles sur sept se plaint de problèmes persistants concernant l'aspect de ses cicatrices.

Une étude récente sur les brûlures superficielles, réalisée dans un grand hôpital universitaire australien, le Royal Perth Hospital, révèle que seulement 39 % des patients soignés ont bénéficié d'un traitement approprié lors de leur premier contact avec un prestataire de soins.
En outre, une enquête sur le traitement des brûlures superficielles dans les services des urgences de l'Ontario, Canada, révèle que 70 % des médecins qui ont répondu au questionnaire n'évaluent pas la surface brûlée au moment où ils examinent les brûlures.
Et 45 % d'entre eux évaluent mal les besoins en analgésie. Il est clair qu'il est possible d'améliorer la situation en la matière.

Les lignes directrices ci-dessous et le modèle de traitement en annexe ont été établis dans le but de répondre au souhait des spécialistes du traitement des brûlures en Europe. Ces spécialistes voulaient pouvoir donner des conseils clairs et actualisés sur le traitement des brûlures superficielles aux hôpitaux généraux et aux prestataires de soins de première ligne.

Espérons que ces recommandations favoriseront aussi le dialogue entre les centres de traitement des brûlures et les collègues qui leur envoient des patients, ce qui permettra d’établir des programmes de soins régionaux. L'objectif est de relever les normes applicables aux patients traités en ‘périphérie’ dans l'ensemble de l'Europe, de diminuer le nombre de renvois 'tardifs' vers des centres de traitement des brûlures et d'éviter des réflexions telles que "Si nous avions su…”

Elaboration d'un consensus

Le traitement des brûlures superficielles est un domaine rarement abordé dans la littérature. Les thèmes évoqués le plus souvent sont les brûlures plus graves ou certains sous-groupes comme les brûlures pédiatriques.

Bien qu'un certain nombre de publications donnent de précieux conseils en la matière, personne n'a jamais cherché à élaborer une méthode échelonnée, compréhensible et utilisable par des non-spécialistes, qui aborde les principes propres au traitement moderne des brûlures et au choix des pansements.

L'algorithme de traitement a été conçu par un groupe de travail composé de spécialistes européens des brûlures. Ces spécialistes ont mis en commun leur expertise clinique, et ils ont préparé des lignes directrices largement applicables. L'objectif consistait à améliorer les normes de traitement des brûlures par les non-spécialistes, au sein de la Communauté européenne élargie.

Le point de départ fut l'élaboration d'un questionnaire de traitement qui a permis de mieux comprendre quels sont les définitions cliniques et les parcours de soins que souhaitent les professionnels de la santé concernés par les soins ‘périphériques’ des brûlures, et d’évaluer leurs connaissances des besoins cliniques des patients. Au cours d'une table ronde, le groupe est arrivé à un consensus sur les besoins des patients et des non-spécialistes du traitement des brûlures. Il a préparé un premier projet de lignes directrices afin de répondre à ces besoins.

Les lignes directrices étaient spécialement destinées à des professionnels de la santé confrontés à des brûlures dans les hôpitaux généraux ou dans le cadre des soins de santé de première ligne. Parmi ces professionnels, il y avait le personnel des urgences, les chirurgiens généraux et médecins, les dermatologues, les médecins généralistes, les pédiatres, les gériatres, les pharmaciens, les assistants médicaux, les infirmiers et les conseillers sanitaires.

Les lignes directrices ont été élaborées dans le but d’arriver à une norme de traitement des brûlures plus cohérente, en particulier au cours des premiers jours qui suivent l'accident. En outre, les conseils spécialisés présentés permettent de soutenir les équipes sanitaires dans leurs décisions.

Les lignes directrices

Le groupe de travail a identifié quatre domaines-clés susceptibles d'être améliorés, à savoir : le diagnostic et le renvoi vers un centre spécialisé, la préparation de la blessure, l'application d'un pansement et les précautions ultérieures.

Renvoi vers un centre spécialisé

L'un des principaux objectifs du diagnostic est de déterminer s'il faut ou non orienter le patient vers un centre de traitement des brûlures. Sur ce point, la profondeur de la brûlure est un paramètre important, bien qu'il soit parfois difficile de l'évaluer même pour un chirurgien expérimenté dans le traitement des brûlures. Il n'est pas toujours évident de distinguer une plaie superficielle d'une plaie profonde, et les plaies n'ont pas toujours la même profondeur partout.
Sur le plan pratique, nous pouvons dire que dans un environnement non-spécialisé, on peut établir la différence entre les deux de la manière suivante : les brûlures superficielles sont humides, douloureuses, rouges, blanchâtres ou roses, avec formation de cloques. En revanche, les brûlures profondes sont sèches, indolores, grises, blanches ou brunâtres. Elles peuvent ressembler à de la peau normale mais présenter une perte de sensibilité partielle ou totale.
Bien qu'il soit possible de traiter correctement des brûlures superficielles dans un environnement non-spécialisé, les patients souffrant de brûlures profondes doivent toujours être orientés vers un centre spécialisé.
Il est inutile d’évaluer précisément la profondeur des brûlures superficielles, parce que la différence de profondeur a surtout une incidence sur le temps de cicatrisation.

Pour calculer la surface corporelle totale atteinte chez les adultes, on utilise règle de neuf : la partie avant du tronc, le dos et les jambes représentent à chaque fois 18% de la surface totale du corps ; la tête et les bras correspondent à chaque fois à 9% de la surface totale du corps, les parties génitales à 1% et les mains (paume et doigts) à 1% également. Lorsqu'il s'agit de brûlures pédiatriques, l'estimation de l'étendue de la brûlure se fait différemment, étant donné que les proportions du corps ne sont pas les mêmes. Il faut se baser sur les règles de Lund et Browder. Des brûlures étendues du second degré doivent être soignées dans un centre spécialisé. À cet égard, le terme ‘étendu’ signifie plus de 15% de la surface totale du corps d'un adulte et plus de 10% de la surface totale du corps d'un enfant.

Les services spécialisés sont mieux équipés pour soigner des brûlures chimiques et électriques, des brûlures circulaires (présentant un tour complet) et des brûlures provoquées par inhalation, par un traumatisme ou une maladie. Les patients brûlés au visage, au cou, aux mains, aux pieds, aux aisselles, dans le creux du genou ou dans la région génitale doivent être orientés vers un centre spécialisé pour améliorer la fonctionnalité finale. Pour des raisons médico-légales, il faut toujours envisager la possibilité d’une blessure non-accidentelle lors du renvoi vers un centre spécialisé.

Le renvoi vers un centre spécialisé peut aussi intervenir à un stade ultérieur, et il s’impose en tout cas si les brûlures ne montrent aucun signe de guérison dans les deux semaines qui suivent l'accident. L'apparition de cicatrices hypertrophiées est le signe que le renvoi vers un centre spécialisé s’impose. Dans des circonstances normales, les brûlures superficielles du second degré guérissent en une dizaine ou une quinzaine de jours, sans formation de cicatrices. Dans le cas de brûlures du second et du troisième degré, le temps de guérison est plus long et le risque de formation de cicatrices est important. Pour un résultat satisfaisant sur le plan esthétique, il est indispensable d'orienter vers une unité spécialisée tous les patients atteints de brûlures du second degré qui n'ont pas guéri au bout de 10 à 14 jours.

L'apparition de douleurs, une fièvre, des rougeurs, une exsudation, une mauvaise odeur de la blessure ou une détérioration générale pendant les jours ou les semaines qui suivent l'accident, peuvent être le signe d'une infection et sont des motifs de renvoi vers une unité spécialisée. Bien que l’on puisse appliquer ces critères relatifs à la nécessité d'orienter le patient vers une unité spécialisée dans la majorité des cas, il faut savoir que des problèmes sont susceptibles d’apparaître à n’importe quelle étape du traitement. Les patients ayant des antécédents médicaux - comme un diabète – ou un problème psychosocial qui a pour conséquence de compliquer le traitement et de ralentir la guérison, doivent être orientés vers un centre spécialisé. En cas de doute, la règle générale veut que l’on demande toujours l'avis d'un spécialiste des brûlures.

Préparation de le plaie

La préparation de la plaie doit être considérée comme un tout, l'objectif étant de stabiliser le patient et d'assurer son confort pour permettre une évaluation de la plaie en toute sécurité.
L'objectif est de bien nettoyer et désinfecter la plaie avant d'y appliquer un pansement.

Il est très important de refroidir rapidement la plaie à l'eau tiède pour éviter que la lésion ne s’étende et pour accélérer la guérison.
Il faut refroidir la brûlure sous l'eau le plus rapidement possible après l'accident et, si possible, sur le lieu même de l'accident. Il faut toutefois éviter de faire courir au patient un danger encore plus grand.

Il est préférable que la température de l'eau se situe entre 15 et 18 °C.
La glace est déconseillée.

Le refroidissement de la brûlure peut se faire pendant 10 à 30 minutes. Il n'existe pas de consigne générale précisant quelle est la durée de refroidissement idéale pour un résultat optimal.
La durée de refroidissement varie d'un patient à l'autre et doit être adaptée afin de réduire la douleur au maximum, surtout parce que les histamines et les cytokines libérées dans les blessures douloureuses ont pour conséquence d'élargir les blessures.
Il faut si possible déshabiller le patient, mais en évitant qu'il ne prenne froid.
La blessure est nettoyée et désinfectée à l'aide d'une solution aqueuse. Il est inutile d'administrer des antibiotiques à titre préventif dans le but d’éviter une infection. Un vaccin anti-tétanos doit être administré si le précédent date de plus de cinq ans. Si nécessaire, il faut rapidement appliquer un traitement antidouleur à tous les patients.

Avant de soigner la blessure, il faut retirer la peau qui se détache ainsi que les cloques ouvertes.
Il y a peu de témoignages cliniques concernant le traitement des cloques, mais ce qui est certain, c’est qu'elles sont très douloureuses pour le patient. Pour soulager la douleur, on peut percer les cloques qui recouvrent moins de 2 % de la surface du corps et les réévaluer au bout de 5 jours. Si l’on retire un morceau de la peau d’une cloque, celle-ci ne peut plus se reformer. Si les cloques mesurent plus de 2% de la surface du corps, il est préférable de les retirer parce qu'elles empêchent de bien évaluer la plaie. Le choix de retirer ou non les cloques dépend aussi du pansement utilisé ensuite. Si l'on opte pour un pansement qui devra pouvoir rester sur la blessure le plus longtemps possible, il faut enlever les cloques. Mais si l'on choisit un produit à usage topique, qu'il faudra remplacer 1 ou 2 jours plus tard, on peut conserver la peau de la cloque pendant quelques jours. Au bout de quatre jours, il est conseillé de retirer complètement la peau détachée avant de poursuivre le traitement.

Application d'un pansement

Il faut toujours appliquer un pansement sur des brûlures. Cette règle est valable aussi bien dans un environnement hospitalier que dans le cadre des soins à domicile. Lorsque les patients sont orientés vers un centre de traitement des brûlures, il faut panser les blessures avant le transfert. Toutefois, il est préférable de ne pas appliquer de pommade pour faciliter le diagnostic dans le centre de traitement des brûlures, avec un minimum de désagréments pour le patient.

Les pansements ont beaucoup évolué ces 4 ou 5 dernières années, et plusieurs pansements et systèmes sont actuellement disponibles dans toute l'Europe.

Le choix d'utiliser tel ou tel pansement dépend de sa disponibilité et de la préférence du médecin. Des connaissances approfondies des caractéristiques et des points forts et faibles des pansements modernes et traditionnels peuvent certainement aider à prendre une décision clinique judicieuse. Nous encourageons les professionnels de la santé à bien étudier les propriétés de chaque pansement afin de sélectionner celui qui donnera les meilleurs résultats pour le patient concerné.

Les principes suivants permettent de classer les propriétés d'un pansement pour brûlures :

  • La règle veut que les pansements maintiennent l'humidité de la plaie afin d'accélérer la guérison. On a suffisamment démontré que ce principe permet d’accélérer le processus de guérison et provoque un minimum de douleur et de réactions inflammatoires.
  • Les pansements doivent pouvoir absorber l'exsudat excédentaire. La présence d'un environnement humide ne signifie pas qu'il faut laisser s'accumuler l'humidité excédentaire. L'excédent d'humidité peut provoquer une macération, ce qui ralentit la guérison et favorise les infections.
  • Les pansements doivent faire obstacle aux infections venant de l'extérieur.
  • Les pansements doivent être bien appliqués sur la plaie et la peau environnante. De cette manière, ils contribuent à lutter contre la douleur.
  • Les pansements ne doivent pas coller à la blessure pour éviter la douleur au moment où on les retire.
  • Les pansements doivent pouvoir être appliqués et retirés facilement, en provoquant le moins de douleur possible. L'idéal serait de conserver le pansement sur la brûlure pendant 10 jours, sauf s'il y a des contre-indications (par ex. formation fréquente de cloques) qui nécessitent de changer les pansements. En laissant le pansement sur la blessure, on limite la douleur provoquée par son changement. De plus, on limite aussi le coût général du traitement en écourtant la durée des soins. De toute façon, contrôler fréquemment des brûlures du second degré avant le dixième jour présente peu d'intérêt.

Les pansements modernes à base d'hydrocolloïdes, d'hydrofibre, de silicone, d'alginates et de polyuréthane, satisfont aux exigences principales et essentielles mentionnées ci-dessus. Leur principale caractéristique est de maintenir la plaie humide, ce qui accélère la guérison. Les pansements traditionnels, comme les pansements gras et la sulfadiazine argent, sont de moins en moins utilisés parce qu'ils peuvent déshydrater la blessure. De plus, ces pansements sont moins efficaces. Les micro–organismes pénètrent plus facilement dans la blessure, ce qui augmente les risques d'infection. Les pansements modernes, imprégnés d'argent, sont désormais disponibles dans certains centres de traitement des brûlures.

Il est peu pratique d'analyser en détail tous les produits disponibles chaque fois qu'un patient se présente à la consultation. C'est pourquoi nous conseillons d'établir une liste de tous les pansements, par ordre de préférence, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Cette liste peut servir à tenir l’inventaire des produits disponibles et à effectuer une analyse coûts-efficacité. Elle doit être régulièrement mise à jour.

Soins ultérieurs

Le post-traitement est un élément essentiel de l'ensemble des soins des brûlures. Après avoir prodigué les soins, les professionnels de la santé doivent prévoir un suivi adapté. Bien que le traitement des brûlures, s’il est bien réalisé, diminue les désagréments physiques, la douleur et les cicatrices et contribue à une guérison optimale des plaies, il est important d’envisager un éventuel soutien psychologique.

Bien qu’il soit inutile de consulter fréquemment, il est important de bien informer le patient des étapes ultérieures :

  • Une fois guéries, les blessures doivent être régulièrement hydratées. Pour cela, il existe de nombreuses pommades, crèmes et lotions.
  • Les démangeaisons suite à une brûlure peuvent être extrêmement désagréables et les plaintes doivent être prises au sérieux. Pour diminuer les symptômes, le patient peut hydrater davantage la peau, et des médicaments peuvent s'avérer nécessaires.
  • Il faut conseiller aux patients de se protéger contre le soleil pour éviter les effets nocifs des rayons UV ou des changements de pigmentation de la peau brûlée. Lorsque ces précautions s’imposent, il faut tenir compte de l’endroit où vit le patient et de son mode de vie. Après une brûlure, les patients doivent éviter le plus possible de s'exposer au soleil. En cas d'exposition à une lumière solaire intense, il leur est conseillé d'utiliser une crème solaire adaptée, c’est-à-dire un produit offrant un indice de protection élevé (≥P25).

Si des changements apparaissent à la surface de la peau (par exemple, la peau s'hypertrophie, des cloques ou de nouvelles blessures apparaissent), le patient doit immédiatement se rendre à l'hôpital ou à la consultation et se faire examiner. Éventuellement, on l’orientera vers un centre de traitement des brûlures.

  • Les professionnels de la santé ont la responsabilité de convenir avec le patient du moment où il pourra reprendre le travail. L'impact d'une brûlure sur le travail est important et dépend de nombreux facteurs. Il faut encourager les patients à reprendre le travail le plus rapidement possible. Des certificats médicaux pour une absence prolongée ne peuvent être délivrés sans raison valable.

Conclusions

Ces lignes directrices pour le traitement des brûlures du second degré sont un manuel pratique, destiné aux non-spécialistes des brûlures. Nous savons à quel point le rôle joué par les non-spécialistes est important puisqu’ils continueront à soigner la majorité des brûlures. Nous sommes convaincus qu'il appartient aux spécialistes du traitement des brûlures de veiller à leur procurer des directives adaptées à ce parcours de soins en pleine évolution.

Ces lignes directrices ne donneront aucun résultat sans une bonne communication entre les spécialistes et les non-spécialistes. Partout en Europe, nous encourageons les associations nationales des brûlures et les organisations professionnelles concernées par leur traitement à communiquer ces lignes directrices à leurs membres. Elles devraient aussi élaborer des stratégies pour faire en sorte de les communiquer à tous les professionnels de la santé.

Ces lignes directrices doivent être revues régulièrement pour que les patients en tirent un maximum de profit, et ce notamment parce que de nouveaux produits et de nouvelles méthodes apparaissent sans cesse.

Elles doivent être régulièrement réexaminées pour que les patients continuent à en bénéficier et pour qu’ils profitent aussi de l’évolution des méthodes de soins et des nouveaux produits plus performants.

10.000

Incendies domestiques par an

340.000

Soutien financier aux patients

300

Ateliers de prévention par an